Page 4/5 [ Page précédente ] [ Page suivante ] J7 - Samedi 18 janvier 2003 : BADAMI Nous voilà repartis sur les routes du Karnataka inondées de soleil, bercés par le ronron du moteur de l'Ambassador. Je suis sorti de ma torpeur par un arrêt au petit village de Rajond, étape classique (si j'en crois le minibus de touristes qui arrive en même temps que nous), où nous pouvons admirer d'étranges petits fours utilisés pour fabriquer de la chaux ('lime stone': en faisant cuire de la pierre du coin, puis en la concassant, puis en y ajoutant divers liquides, on obtient cette teinture blanche caractéristique, protectrice contre la chaleur et les insectes). C'est évidemment l'occasion de quelques photos pittoresques, dont celle d'une chèvre mollement avachie sur le bord d'un puits, devant un vieil homme au regard digne. Contrastes, contrastes...
Les autres péripéties de notre voyage seront un rapide arrêt à la fabrique de briques de Belur (peu touristique), mais surtout un arrêt-photo sur le pont surplombant la rivière Maladara, où nous réalisons que c'est le début d'une grande fête religieuse, qui mène des milliers de personnes à Badami. Ainsi, la rivière s'égaye de centaines de points colorés : tracteurs ou camions en train d'être lustrés, saris en plein nettoyage, enfants jouant dans l'eau... Tout le monde se fait beau pour aller à Badami ! Ca tombe bien, on y va aussi.
Notre arrivée en ville n'est pas facilitée par les déviations et bouchons causés par l'arrivée massive de tracteurs fleuris et véhicules décorés de toutes sortes. Nous parvenons quand même jusqu'à l'hotel Mookambika Lodge, où suite à une histoire de fax non renvoyé, on s'aperçoit que nos chambres n'ont pas été réservées. Tant pis, de toute façon, ça avait l'air un peu bruyant. Nous nous retrouvons au Badami Court Hotel, plus cher que notre gîte de Hospet et pas forcément aussi bien. Qu'à cela ne tienne, il y a un charmant petit jardin pour écrire nos cartes postales. Une fois installés et une petite collation absorbée, nous repartons vers de nouvelles aentures et allons découvrir le lac de Badami, appellé également Lake Agatsya Tirth ou encore Buthnath Lake. Nous avonçons sur les gradins qui entourent le lac. Comme beaucoup de points d'eaux en Inde : chaque point d'eau étant considéré comme sacré, des gradins sont construits ain d'en faciliter l'accès à tous, d'où de nombreuses scènes de lessive et de bain.
En arrivant, l'oeil frémissant et l'appareil photo aux aguets, quelqu'un me fait un signe. Je me retourne, c'est bien à moi qu'il s'adresse. Je fais des signes manifestant mon incompréhension. Il recommence. Je lui dis que je ne comprends pas... Mais devant son insistance, je finis par interpréter cela comme un salut amical et lui serre la main avec enthousiasme. La mine mi-amusée mi-dubitative qu'il prend alors me laisse à penser que je n'ai peut-être pas tout compris... C'est quelques mètre plus loin, en observant mon ombre projetée sur le lac, que je réalise qu'il me demandait juste... d'enlever mon chapeau (par signe de respect pour ce lieu sacré) ! A posteriori, je me suis senti un peu bête. Mais bon, si c'est le pire problème d'incompréhension que je peux rencontrer pendant mon voyage, ça me va. Heureusement, les jolies scènes du lac me font vite oublier mon chapeau. Notamment ce moment magique où nous voyons quelqu'un faire prendre un bain à sa vache favorite. Tenue en laisse comme un toutou, elle semble tout à fait heureuse de faire ainsi trempette, sous le regard de dizaines d'indiennes nettoyant leurs saris colorés.
Nous jetons un oeil au temple de Yellema, puis à celui de Virupaksh, datant du 10ème siècle, avant de retrouver notre Ambassador pour aller faire un tour... à la fête! Une foire indienne constitue une sorte de concentré. Concentré de couleurs d'abord, multiples et omniprésentes, dans les décorations pour vaches ou pour tracteur, dans les tissus, dans les jouets, dans les fleurs et ornements ; concentration de kitch, dans les objets et les décorations, mais surtout concentration de monde... Le cauchemar de l'agoraphobe !!! Tant de monde, c'en est impressionnant. Deux touristes perdus dans une foule de milliers de personnes. Oh, pas de peur particulière à avoir... Je crois avoir serré plus de mains en une heure que n'importe quel candidat aux élections sur la place du marché un samedi matin. On m'offre même des pois chiches frais, encore sur leur branche ! Mais il y a une espèce de tension, d'excitation... Quel que soit le pays, la foule est difficile à cerner. La fatigue et le bruit là-dessus, nous préférons en rester à ces images bon enfant et regagner notre maison du moment.
En arrivant sur le parking, nous nous apercevons que notre chauffeur a disparu. Pas grave, nous l'attendons patiemment. Au pire, nous pouvons rentrer à pied, ce n'est pas trop trop loin. Et puis si à Lakshmi il n'est pas là, on s'en va... Le dîner au restaurant de l'hôtel ne casse pas quatre pattes à une vache sacrée. Quant aux bruitages nocturnes en provenance des ventilateurs ou du générateur, ils n'étaient pas prévus au programme. Et ce n'est pas la clim... elle ne marche pas ! Malgré la chaleur qui en résulte, je m'occupe de quelques cartes postales avant de commencer un roman que... j'ai du mal à quitter ! C'est "Le caméléon" d'Andreï Kourkov. Une histoire de voyage, d'aventure, de mystère et d'humanité. Même si ça se passe dans les ex pays de l'Est, les ingrédients ne sont pas sans points communs avec ce que je retrouve ici. Juste un petit voyage de plus dans le voyage... J8 - Dimanche 19 janvier 2003 : BADAMI CAVES & MAHAKUTA Avant de partir à l'assaut des Grottes de Badami, Manu nous explique un certain nombre de choses. D'abord, le site de Badami est plus ancien que ce lui de Hampi (4ème, 5ème et 6ème siècles, contre 15ème et 16ème pour la plupart des temples de Hampi). Ensuite (mais ça n'a rien à voir), les oignons sont très bon pour prévenir les coups de chaleur. C'est d'ailleurs pour cela qu'ils sont souvent servis en rondelles avec les plats indiens. Tous les oignons du pays sont cultivés dans la région de Bavnaghar, dans le Gudjarat. Nantis de ces utiles informations, nous partons sous le soleil du matin vers les "Badami Caves", où quatre temples troglodytes nous attendents.
En fait, ils n'attendent pas que nous. Ce dimanche et l'occasion pour tous les visiteurs venus pour la fête de visiter les lieux. Rarement vu des temples aussi vivants ! Autre surprise : notre montée des marches a un petit côté "Festival de Cannes", des dizaines de personnes nous demandant de poser avec eux sur leurs photos. Si jamais au détour d'une visite en Inde, vous apercevez des photos avec deux touristes devant des temples troglodytes, dont un avec un chapeau noir bizarroïde, vous saurez qui c'est !
Nous progressons ainsi vers les hauteurs, visitant les trois premiers temples brahmanes (le premier du Vème siècle, dédié à Shiva, les deux suivants du VIIème, déidiés à Vishnou), pour parvenir enfin au dernier, un temple Jaïn de la fi du VIIème siècle. Les flash crépitent, trop de pression, trop de paparazzi... Nous nous lassons et redescendons vers notre Roll... euh... notre Ambassador, pour nos rendre de l'autre côté du petit lac où nous visitons d'autres temples, dont la grotte du sage... petit temple dans lequel on rampe pour rentrer. C'est ce qu'on appelle forcer l'humilité !!! Sur le lac, les femmes lavent inlassablement les saris, qui tournoient dans les airs comme de gigantesques papillons qu'on lacherait l'ombre d'un instant avant de les replier. Nous nous asseyons quelques minutes à l'ombre des colonnes d'un temple, à côté d'un Nandi, fermant les yeux pour mieux scruter l'horizon (c'est de l'observation interne, que l'on pourrait appeler également 'début de sieste'). Il est grand temps de partir en quête de quelque pitance.
Nous regagnons Badami-centre où notre chauffeur déguste un poulet Tikka Massala au New Satkar Hôtel, alors que nous sirotons un Pepsi bien frais. C'est l'occasion de demander à voir les chambres de ce petit hôtel beaucoup moins touristique : elles sont propres et spacieuses, pour 400 roupies la nuit ! Carrément moins cher... Les lecteurs avisés auront pris note.
Après ce petit intermède rafraîchissant, nous partons pour le temple de Mahakuta. Nous nous attendons à trouver un petit temple tranquille, où un ou deux brahmanes ronfleraient tranquillement à l'ombre... Mais c'est oublier que d'une part c'est dimanche et d'autre part c'est la fête à Badami !!! Le site est plein à craquer et... chose rarissime, le bassin aux abblutions est aussi plein qu'une piscine municipale !!! Que d'animation, que de vie ! Ceux qui ne sont pa dans l'eau pique-niquent, les autres vont au temple honorer les dieux, d'autres dorment... Un mélange coloré qu'on pourrait situer entre un hall de gare un jour de grève et le bois de Vincennes un dimanche après-midi de mai.
Il est déjà presque trois heures et nous n'avons toujours pas déjeuné. Nous cherchons un endroit pour pique-niquer sur le chemin du retour... Ce qui semble bizarre à notre chauffeur, peu familier avec l'image d'épinal de la nappe à carreau au milieu d'un champ... C'est donc sur le bord de la route que nous faisons halte, le temps de savourer quelques délicieuses bananes, du raisin local (raisin blanc très sucré, aux grains tout en longueur) et quelques confiseries de type 'halwa', à base de farine de pois chiches et d'amandes.
Nous rentrons suffisament tôt à l'hôtel pour passer du temps dans le jardin à faire nos cartes postales, discuter, regarder les papillons papillonner et les perruches... euh... perchées. Le doux calme du dimanche après-midi nous porte ainsi jusqu'à l'heure du dîner, où nous allons en ville. Après un petit quart d'heure au cyber-café du coin, nous allons manger dans un petit restaurant où l'on sert des thalis. C'est simple : un plateau de métal avec un compartiment pour le riz et des petits bols pour divers mélanges (tous végétariens) plus ou moins épicés. Lorsqu'un bol est vide, on vous ressert, jusqu'à ce que vous n'ayez plus faim. Et c'est très bon. Le tout pour vingt roupies ! Rapport qualité/prix imbattable. En rentrant à l'hôtel, nous profitons de la fraîcheur du jardin pour discuter un peu. C'est l'occasion de donner aux lecteurs attentifs quelques repères sur le coût de la vie indienne...
1 Franc Français = 6,50 roupies Mais il est temps de partir méditer sur cette journée haute en couleurs. J'en profite pour me replonger dans le "Caméléon", que je termine dans la foulée. Et je m'endors, l'esprit bercé entre l'Ukraine, le Kazaksthan et Mahakuta. J9 - Lundi 20 janvier 2003 : PATTADAKAL & DURGHA Nous voilà repartis ce matin pour visiter Pattadakal. Le site comporte de nombreux temples, dans une espèce de grand enclos au gazon bien vert et bien tondu, à la brittanique ! Il faut dire que c'est un site entretenu par l'Unesco. Des écoles visitent les lieux en même temps que nous, d'où un grand nombre de regards curieux sur les touristes que nous sommes, ainsi que beaucoup de couleurs.
Chef d'oeuvre de l'architecture chalukya, le temple de Virupaksha est toujours en activité et abrite un magnifique Nandi de pierre noire. Le brahmane du temple est d'ailleurs très fier de poser à côté.
De nombreuses statues peuplent ce lieu, souvent posées en rang d'oignon, probablement suite aux fouilles. 16 nandis et 11 lingams plus loin, nous ressortons pour aller déguster un petit beignet en farine de pois chiche (ça ressemble à un bretzel), avant de nous diriger vers Aihole.
En peu en-dehors d'Aihole, nous rentrons dans le parc archéologique, où quelques touristes nous précèdent. Il n'est pas très grand, mais le temple de Durgha (VIIème siècle) y fait bonne figure, avec ses formes rondes (il est en forme de fer à cheval !) et ses fleurs roses et blanches tout autour. Un petit mot sur Durgha : son véhicule est le lion, elle transporte 8 attributs : le trident, la conque, l'épée, la cloche, la corde, la massue, l'arc... et un truc que j'arrive pas à relire sur mes notes, zut... Par contre, elle pose le pied sur le démon Maisha (buffle).
Nous allons pique-niquer auprès d'un dernier temple (troglodyte), de quelques bananes, raisins et autres oranges, puis nous repartons pour Badami, l'esprit rempli de temples... et embrumé par la charleur du début d'après-midi. D'ailleurs, en rentrant, je me plonge dans une bonne sieste. Après un peu de repos, c'est en sirotant un excellent massala tea (le classique thé aux épices avec du lait) que nous travaillons soit à nos cartes, soit à nos lectures, soit à ne rien faire.... Alors que les martins-pêcheurs plongent dans la piscine, puis remontent sur le fil électrique, puis replongent,puis remontent, puis replongent... ainsi se passe leur toilette ! Le séjour Badamiesque n'aurait pas été complet sans une visite au petit magasin qui jouxte l'hôtel et propose de fort jolies étoffes, pashminas, objets artisanaux en tout genre...
Nous dinons d'un paneer butter massala, d'un pepsi et d'une salade de fruits, avant de partir dans les bras de Lakshmi (Morphée est très peu conue ici !!!). C'est ma dernière nuit 'calme' avant de rentrer en France. Déjà. [ Page précédente ] [ Page suivante ] |